Rencontre avec Pascal Rambert
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Compte-rendu de la rencontre avec Pascal Rambert du 6 janvier 2015, par Oriane Desnots-Benedetto et Pauline Guillerm
Aux côtés de Claude Régy, de Pina Bausch : un nouveau monde est possible.
Aux côtés d’Antoine Vitez : « faire théâtre de tout »
Après cette formation, Pascal Rambert retourne à Nice pour y monter Marivaux, Büchner, Dario Fo qui seront ses premières mises en scène, très longues, très dénudées. Et très vite, il se met à écrire et mettre en scène ses propres textes. Il ne fera plus que ça.
Pascal Rambert se nourrit de différents auteurs. Il est profondément marqué par l’écriture de Thomas Bernhard, qui s’oppose au « petit dialogue français », mais aussi par Michel Vinaver et Jean-Luc Lagarce. Il considère qu’une écriture comme celle de Peter Handke écrase le théâtre du quotidien comme un météore. Il apprécie cette écriture d’une grande puissance’ tout en prenant par la suite une distance liée au positionnement politique de Handke lors des guerres d’ex-Yougoslavie.
La question de l’écriture est une question profonde pour Pascal Rambert. La question du : pourquoi on écrit ? Pourquoi on a cette immense prétention et cette immense faiblesse ? Ses premières pièces s’écrivent au plateau, en collectif. Ses pièces, il les écrit à partir des corps des gens. Pascal Rambert écrit des choses possibles dans des corps. Il ne cherche pas à écrire ce qu’il qualifie de théâtre « bien fait », il ne fait pas de plan, il n’a pas d’idée de ce que devrait être une pièce de théâtre. Pour lui, écrire pour le théâtre, c’est prendre « la photographie intérieure d’un moment imparfait ». L’endroit de l’écriture, ce n’est pas l’endroit du vouloir, c’est partout là où il ne sait pas, c’est la construction d’une sorte de viaduc qui va permettre de dire. Le théâtre comme lieu du non-savoir, lieu d’abandon. Il essaie de donner une forme visuelle et visible à l’oralité.
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Son rapport à la mise en scène : sauter dans le torrent de la vie
Voilà 35 ans que Pascal Rambert fait ce métier et il ne se passe pas un jour sans travail, sans répétition. Pour lui, il y a quelque chose dans la nature de l’être humain qui ne change pas. Il a 52 ans et raconte qu’il y a trente ans, il se situait dans le même processus de travail qu’aujourd’hui.
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Son positionnement lui vaut une première année très difficile, mais maintenant, les salles sont pleines. Il établit en effet une ligne qu’il qualifie de « dure », clairement contemporaine ; il lui semble donc incohérent de programmer des œuvres classiques pour simplement attirer plus de monde. Il estime avoir reconquis un public, avec le temps, en persévérant. Tous ceux qui lui ont conseillé de s’adoucir, d’inviter des gens un peu plus connus ont essuyé un refus. Il fait venir Joël Pommerat, Jan Fabre. Bientôt, c’est Roméo Castellucci, son metteur en scène préféré, qui sera programmé. Et même si, parfois, il n’y a eu qu’une trentaine de personnes dans la salle, il se refuse à inviter un artiste dont il n’admire pas le travail. Il considère également comme très encourageant que la mairie communiste de Gennevilliers suive ce qu’il propose. En effet, cela participe de l’affirmation d’identité du T2G.
Pascal Rambert affirme ne pas réfléchir en termes de communication, ni de succès, et est fier d’avoir résisté à cette tendance de « salles de spectacles interchangeables, d’échangisme culturel insipide, où il faut être coproduit ou devoir rendre des comptes à d’autres artistes ». En effet, pour ce qui est des questions de la communication relative à l’existence d’une structure culturelle, Pascal Rambert les abhorre. Il avance que « quand uné ?uvre est puissante, les gens sont là ». Cependant, il est bien conscient qu’il y a aujourd’hui une telle sollicitation qu’il vaut mieux faire en sorte de jouer un peu le jeu.
Ayant dirigé des workshops et des ateliers de creative writing à New-York et Tokyo, Pascal Rambert souhaite organiser au sein du théâtre des ateliers d’écriture pour faire de cet espace un lieu de création et de partages. Fervent lecteur de Mallarmé, il anime ces ateliers gratuits de 19h à 22h durant six ans, tous les mardi soirs, à l’image des « mardi soirs de Mallarmé ». Avec une moyenne de soixante-dix personnes par séance. Il parle de ces ateliers comme des « moments très forts, car il n’y a pas de direction, de sujet imposé, de thèmes ». Il explique que dans sa démarche, « l’écriture n’est pas un ordre : il faut simplement essayer d’ouvrir, laisser filer ce qu’on retient. Quand on commence à se taire, au bout d’une heure trente, deux heures, quelqu’un se lève, lit, et se rassoit. Les primo arrivants à Gennevilliers ne parlaient pas forcément français, certains ne savaient pas écrire, mais l’un murmurant à l’oreille d’un autre sachant écrire, il y avait écriture, sans jugement, sans forme pré-requise. » Ces instants où des inconnus se livrent et échangent entre eux, ce qu’il nomme « le moment de la vérité de la personne », sont une des choses dont il affirme être le plus heureux. Il décrit ces ateliers comme une sorte de jeu naturel de questions-réponses qui s’est mis en place de lui-même et beaucoup de textes, de matières, de choses qu’il n’avait jamais entendues sont nés dans cet espace ; « la parole n’était pas travaillée mais sortait. » Le processus s’est peu à peu développé et les textes ont commencé à devenir une sorte de chaîne immense, une énorme configuration.
Quand Pascal Rambert n’a plus le temps d’animer personnellement ces ateliers d’écriture au cœur du théâtre, ils sont repris par d’autres metteurs en scène, puis sont transformés en séances d’échanges, de rebondissements, de commentaires, et de création d’émissions de radio, après les spectacles joués à Gennevilliers.
Le public du T2G se compose environ de 10 % d’habitants des banlieues et de 90 % de Parisiens. Pascal Rambert estime jusqu’ici impossible de faire une saison uniquement avec les gens de Gennevilliers mais reconnaît que des ouvertures dans ce sens sont possibles. Par exemple, il met en place, grâce à Daniel Buren, une signalétique pour guider les spectateurs jusqu’au théâtre, peint le théâtre en rouge, installe un jeu de lumières changeant selon ce qui se passe au théâtre, pour instaurer « un peu de poésie dans la ville ». À l’image des ateliers d’écriture et dans le but d’une plus grande accessibilité au théâtre, il touche également à un autre symbole du lieu : l’architecte Patrick Bouchain modifie l’architecture du théâtre, de manière à le rendre plus « ouvert », pour contrebalancer l’idée que le théâtre serait « un lieu fermé, sacré, temple du savoir et de la connaissance ».
« J’adore demander à des gens qui ne font pas de théâtre de venir en faire ». On retrouve ici un procédé également partagé par le metteur en scène Peter Sellars : ce dernier s’attache par exemple à retracer le parcours des gens qui ont eu une vie artistique et qui, en changeant de pays, se sont retrouvés complètement inconnus, à faire un « petit boulot ». Pascal Rambert tient à ce mélange entre les artistes contemporains et les personnes étrangères au milieu.
Après Répétition - billet d’une impression
Les acteurs se sont déplacés au rythme des longs mots des autres, quatre personnages, quatre prises de parole, quatre relations et dans le flot incessant, parfois, des respirations. Et puis finalement, tous se sont tus.
Par Oriane Desnots-Benedetto et Pauline Guillerm