Vous êtes ici : Accueil > Rencontre avec Leslie Kaplan - 11 mars 2014
  • Rencontre avec Leslie Kaplan - 11 mars 2014

    • Agrandir le texte
    • Restaurer la taille normale
    • Réduire la taille du texte
  • Compte-rendu de la rencontre avec Leslie Kaplan du 11 mars 2014, par Anne-Sophie Bailly et Amélie Durand

     

    PARCOURS


    Leslie Kaplan est née en 1943 à New York. Elle a grandi en France et a toujours écrit en français (elle nous signale l’existence d’un texte en bilingue, publié dans le livre Les Outils, intitulé Translating Is Sexy). Elle suit une formation universitaire en philosophie et en histoire. Son engagement politique grandit dans les années 60. Comme de nombreux étudiants, elle s’intéresse aux débats de l’époque et à la place de la Chine dans le mouvement communiste. Plongée dans une perception idéaliste de la révolution culturelle chinoise assez répandue en France, elle en retient l’idée des échanges et des liens entre intellectuels et travailleurs. Elle choisit donc, comme d’autres jeunes intellectuels de sa génération (Robert Linhart par exemple, qui a écrit ensuite L’Etabli), de s’« Ã©tablir » successivement dans plusieurs usines de la vallée de la Seine (autour de Mantes) et à Lyon. Elle écrit L’Excès-L’Usine, inspirée par cette expérience, des années plus tard ; il est publié en 1982.
    Immédiatement après son « Ã©tablissement » en usine, qui dure deux ans et demi, elle vit de cours d’anglais et d’autres petits boulots, avant de passer un diplôme de psychologue clinicienne. Petit à petit, son envie d’écrire l’amène à chercher d’autres moyens de subsistance. Elle bénéficie de bourses du CNL, de diverses résidences d’écrivain en ÃŽle de France. Elle mène de nombreux ateliers d’écriture en région parisienne, notamment aux Mureaux et en Seine-Saint-Denis. Elle garde d’ailleurs un regard très tendre sur ces diverses initiatives lancées par Jack Lang dans les années 80. Elle explique que les écrivains qui s’y sont engagés ont vraiment pensé qu’il y avait là une possibilité de restaurer un lien social, d’utiliser leur compétence d’écrivain pour faire des choses avec les gens. Ce qui l’intéressait dans cette démarche, c’était l’idée que ces ateliers permettent à l’écrivain de vivre, et le mettent en contact avec des gens qu’il ne rencontrerait pas autrement .
    « Cela fait plusieurs années que je ne fais plus de résidences. J’ai toujours aimé en faire mais il y a un moment où je me suis dit bon, arrêtons… C’est aussi lié au fait que le théâtre a pris plus de place. »
    Depuis plusieurs années, l’écriture de Leslie Kaplan est en effet aussi une écriture destinée à la scène, notamment une trilogie de duos féminins écrits pour Frédérique Loliée et Élise Vigier, Toute ma vie j’ai été une femme, Louise elle est folle et Déplace le ciel.
    Il est donc frappant de constater que Leslie Kaplan n’a jamais repris de travail salarié à partir du moment où elle s’est mise à écrire. Elle a publié la plupart de ses textes chez P.O.L, suivant Paul Otchakovsky-Laurens qui avait publié L’Excès-L’Usine chez Hachette. Le Livre des Ciels est d’ailleurs le tout premier livre publié par P.O.L. P.O.L étant diffusé par Gallimard, plusieurs de ses romans sont aussi publiés en Folio.

     
    RAPPORT À L’ÉCRITURE

    « Ã‰crire, c’est sauter en dehors de la rangée des assassins. » Leslie Kaplan fait s’incarner cette phrase du journal de Kafka dans l’un des personnages du roman Le Psychanalyste, paru en 1999 aux éditions P.O.L. C’est aussi la façon dont elle parle de son propre rapport à l’écriture. Écrire, pour elle, c’est se déplacer, bouger. Avec ce verbe, « sauter », le mouvement devient visible. L’écrivain s’appuie sur ses mots pour mieux sauter, pour mieux passer au-delà d’une situation où on laisse les choses en l’état.
    Selon elle, chacun a ses assassins et il y a toutes sortes de façons de se confronter au meurtre et à la mort ; mais le meurtre a à voir avec le fait de rester dans le rang, de reconduire le monde dans ce qu’il a de mauvais. L’écriture est un moyen d’établir une distance qui pourra être génératrice de liberté.
    Leslie Kaplan cite le mot de Genet, « Ã©crire, c’est le dernier recours quand on a trahi », pour exprimer son désaccord avec cette définition du travail d’écriture. Elle défend qu’écrire consiste à transcrire son expérience propre et qu’on ne peut trahir qu’en étant, dans l’écriture, en deçà de cette expérience là. Elle dit écrire pour construire un rapport multiple au monde, sur un nombre aussi grand que possible d’étages et de dimensions : « le réel, le refusé, l’accepté, le rêvé, le cauchemardé… » Il peut y avoir un millier de raisons d’avoir choisi chaque mot écrit ; la seule trahison possible serait d’avoir aplati une expérience en ne l’écrivant que sous un seul angle. De même, elle voit son propre statut d’écrivain comme composé de multiples dimensions contradictoires et le geste d’écrire comme une façon de résoudre cette complexité dans un objet particulier : le livre.
     
              
     
     
     
    L’EXCES-L’USINE

    Leslie Kaplan a toujours eu l’idée d’écrire. À la fin des années 60, cependant, elle commence par s’engager politiquement et par s’établir en usine ; c’est une époque à laquelle elle dit avoir écrit seulement des tracts. Il ne s’agissait pas d’écrire mais de mettre en Å“uvre une révolution. Après être passée par plusieurs usines, elle se trouve travailler dans une usine qui sera occupée, chez Brandt, à Lyon. Six semaines après son embauche, les grèves de mai 68 commencent.
    C’est seulement dix ans après qu’elle réalise qu’elle veut faire en sorte de ne pas laisser cette expérience se perdre : L’écriture de L’Excès-L’Usine s’apparente bien plus à la poésie qu’à la prose narrative. Elle explique le choix de cette forme par un désir de placer son lecteur à l’intérieur de l’usine ; les blancs font partie de cette mise en situation du lecteur. Elle leur donne le statut d’espaces de pensée, utilisés par le lecteur pour reconstituer les choses autour de lui et se redemander, en permanence, où il est.


    Elle choisit une forme anti-romanesque parce qu’elle veut à tout prix éviter d’amoindrir, par le fait de raconter une histoire, l’horreur de ce qu’elle a vu et de ce qu’elle veut transmettre. « Il y a eu une usine à Saint-Ouen où je me suis assise derrière une femme… C’était une usine où on mettait en forme des cartons. Cette femme s’est retournée et elle m’a dit : « Je suis là depuis trente ans ». Le soir même, je suis partie. C’était intolérable, pour moi, l’idée qu’une femme soit là depuis trente ans. »
    Marguerite Duras, qui a fait connaître L’Excès-L’Usine, objectait : on aime tout de même son usine. Leslie Kaplan choisit de ne pas traiter de cette possibilité d’aimer l’usine. Particulièrement marquée par le vécu subjectif du travail à la chaîne, elle veut donner, par l’écriture, une vision intérieure de l’usine.


    Le point de vue dans L’Excès-L’Usine est caractérisé par une attention phénoménologique aux objets, qui sont traités comme des formes, des ensembles de couleurs, des espaces. Par l’écriture, Leslie Kaplan construit un lien entre le regard, le corps de celui qui regarde et l’objet. Le verbe voir est en fait fondamental, selon elle, de l’expérience du travail manuel. Les mains prises, faute de pouvoir agir autrement qu’en regardant, on regarde ce qu’on manipule ; sans en voir le nom ni la fonction, on voit les choses. C’est ce qu’elle a appelé « la débilité ». Le rapport aux objets des peintres cubistes a contribué à influencer son propre traitement de l’objet usine. Elle reste marquée par sa visite d’une grande rétrospective Cézanne qui a eu lieu au moment de l’écriture du livre.
    Sa recherche formelle se donne ainsi pour objectif de donner à sentir l’état qui est celui dans lequel on se trouve après huit heures passées à l’atelier à reproduire exactement le même geste. Elle nomme traumatique la vision que lui a donnée son expérience d’établissement. Ce texte est une façon de refuser de relativiser l’aliénation du travailleur à la chaîne, une façon de tenir sa position vis-à-vis du travail en usine.
    Par l’écriture de L’Excès-L’Usine et au cours des débats que le livre a pu susciter après sa publication, Leslie Kaplan a tenu à maintenir son discours sur l’horreur de cette condition. « Si j’avais voulu revivre le traumatisme, je serais retournée travailler à l’usine. Ce que j’ai fait, c’est transmettre, faire savoir. Personne ne peut savoir le malheur que je vois, Nobody knows the trouble I see ; c’est un blues américain anonyme, un chant de l’esclavage, des champs de coton ». La seule musique citée dans le livre, Those were the days, donnée comme un moment de respiration du travailleur, au café, n’est pas une réelle échappée mais une ritournelle du quotidien, un nouvel enfermement dans la tristesse totale de la répétition.


    Parmi les absences qui marquent le style de L’Excès-L’Usine, on note celle des ouvriers comme collectif politique. Lors de la parution du roman, en 1982, mis à part ceux qui l’ont défendu (Marguerite Duras, Maurice Blanchot), beaucoup ont pu lui reprocher de représenter cette incapacité ouvrière à se mobiliser. Leslie Kaplan explique ce choix d’écriture par la conviction qu’elle a que, même quand les gens se battent collectivement pour défendre et revaloriser leur condition, leur folie et leur souffrance individuelles subsistent. « On m’a répliqué : « Mais puisque tout ce qui existe est produit dans des usines, qu’est ce que vous allez faire ? » Mais je ne sais pas ! C’est vraiment un problème de civilisation, je ne prétends pas le résoudre mais je trouve qu’il ne faut pas se masquer les choses. »
    Cette conviction explique aussi le choix du « on » qui remplace, dans L’Excès-L’Usine, le sujet « je » et dont on ne sait jamais s’il s’agit du narrateur ou d’un groupe de femmes. Le « on » marque pour Leslie Kaplan la scission du sujet qui a lieu dans et par l’usine : il signifie l’absence à soi-même, le fait que si des choses se passent on n’est pour autant jamais vraiment présent à ce que l’on fait. L’horreur à faire connaître se manifeste donc en premier lieu dans ce choix formel qui donne à sentir cette condition particulière : être humain mais privé de sa capacité à s’éprouver soi-même. L’écrivain cite le texte de Robert Antelme, L’Espèce humaine, sur l’expérience concentrationnaire, qu’elle a découvert une fois terminée l’écriture de L’Excès-L’Usine, et qui a éclairé rétrospectivement son propre choix : « Je pense que Robert Antelme, lui aussi, a vu le « on » s’imposer à lui. »

     
       
     
    DÉPLACE LE CIEL
     
    Le théâtre rencontre Leslie Kaplan avant qu’elle ne rencontre le théâtre. En 1982, Marcial Di Fonzo Bo et ses camarades du TNB lui demandent l’autorisation de mettre en scène L’Excès-L’Usine à la Centrale de Rennes, qui est une prison pour femmes. D’abord très sceptique à l’idée de mettre en scène un texte sur l’enfermement par le travail dans un lieu d’enfermement pénitentiaire, elle accepte finalement après une visite à la Centrale pour rencontrer les détenues. L’adaptation de Marcel Di Fonzo Bo, Élise Vigier et Frédérique Loliée tire le texte du côté de la folie, ce qui lui plaît. Elle donne donc son accord et le projet est lancé. Quand elle publie Depuis maintenant, Frédérique Loliée le met en scène. Ensuite, le rapport évolue : Frédérique Loliée et Élise Vigier commencent à lui demander des textes de théâtre écrits pour elles, comme c’est le cas de Toute ma vie j’ai été une femme, en 2008, ensuite de Louise, elle est folle, en 2011, et du tout récent Déplace le ciel. Elle nous confie que ce qu’elle écrit en ce moment, qui est un roman, va sûrement devenir du théâtre. C’est pour Leslie Kaplan une façon très intéressante de traiter le langage car le fait que les mots vont être dits sur scène leur donne une sorte de volume. Par ailleurs, elle aime aussi laisser une grande part à l’interprétation de ce qui est dit et limite donc dans ses textes théâtraux la part des didascalies.
    Déplace le ciel met en scène deux femmes enfermées dans leur tête et dans leurs amours impossibles ou ratées. L’enfermement est d’un autre ordre que celui décrit dans L’Excès-L’Usine. À son habitude, Leslie Kaplan a laissé beaucoup de liberté aux metteuses en scène en leur laissant le choix du lieu. Au cours de l’écriture, il y a d’ailleurs eu beaucoup d’allers et retours avec les comédiennes. L’idée de départ de Déplace le ciel était d’écrire une pièce sur l’amour. Mais les contraintes venaient aussi de la part d’Élise Vigier et Frédérique Loliée : elles ne voulaient pas d’homme sur scène et ne voulaient pas se travestir. Ce qui s’est passé lors des trois pièces écrites pour elles est une écriture en plusieurs temps, faites de retraits et d’ajouts. Leslie Kaplan précise qu’il ne peut pas y avoir de solution définitive, que cela doit rester ouvert.
    La pièce est construite sur des lignes qui s’entremêlent, qui reviennent. Des listes d’expériences, des poèmes à la Prévert, des épisodes oniriques, des rêves d’Amérique, une recherche de l’amour… Ces différentes lignes s’entremêlent sans qu’il y en ait une qui s’impose comme une ligne de force qui permettrait que l’évasion ait vraiment lieu. L’une de ces lignes récurrentes est le rapport à la langue anglaise. L’anglais des deux personnages, qui n’est pas un anglais érudit ou bilingue, mais celui de gens qui ont répété des phrases après des professeurs et qui connaissent les citations les plus connues de Shakespeare, vient directement des deux actrices. L’Amérique de leurs personnages est donc moins une expérience qu’une Amérique vue à travers les écrans, une langue fast food utilisée pour les échanges commerciaux et les choses les plus triviales. Par ailleurs, cela participait d’une idée très forte dans la pièce, la revendication de soi-disant supériorités. « On est supérieur parce que » : parce que l’on parle français, parce que l’on n’est pas des animaux... C’est une idée bête dont Leslie Kaplan voulait s’amuser. D’une façon plus large, le rapport aux langues est un moyen de critiquer une position installée, un chauvinisme existentiel. Pour Kaplan, ce qui peut arriver de plus terrible à une langue est qu’on puisse se mettre à la parler comme dans une pub.

    L’écriture de Déplace le ciel donne une grande place au trivial, dans les conversations et les écrans, alors que la littérature est souvent présentée comme un moyen de résistance au trivial. Le spectateur est mis face à un déferlement d’anecdotes parfois déroutantes, et l’on est parfois presque embarrassé par la naïveté des personnages, par une forme de simplicité et de quotidienneté du langage. Leslie Kaplan explique que son intérêt pour le discours trivial a commencé avant Déplace le ciel, à partir du moment où elle s’est intéressée à la télé-réalité, qu’elle conçoit comme une nouvelle forme « d’opium du peuple ». Pour elle, la télé-réalité essaie de faire croire qu’on participe vraiment au monde dont au fond on est exclu (comme le monde de la télévision). Les médias ont le pouvoir de réduire un accomplissement (par exemple sportif) à une expérience consensuelle.
    « Ce que je voulais montrer, c’est que la manière dont on produit du commun dans ces contextes-là est tout à fait illusoire, creuse, vide. J’ai beaucoup parlé de ça et l’un des instruments de cela c’est la télévision qui balance des clichés d’une façon très autoritaire : « il faut aimer le fromage » comme il est dit dans Déplace le ciel. La façon dont la publicité fait de la publicité, c’est une exclusion implicite. Comment se construit le consensus, le commun ? On baigne dans ce monde mais il faut essayer de le voir et de le comprendre. »
    Leslie Kaplan se défie en revanche de toute technophobie : elle est convaincue qu’un moyen technique n’est jamais aliénant en tant que tel. Mais des programmes sont aliénants et déshumanisants : « une fois qu’une technique est là, elle est là pour toujours, c’est l’un des problèmes de notre civilisation ». C’est précisément cet enfermement qu’elle traite dans Déplace le ciel, un enfermement sans doute plus diffus que celui de L’Excès-L’Usine.
    Le rapport de Leslie Kaplan à son écriture théâtrale est singulier. « Quand j’ai écrit pour le théâtre, je voyais les personnes en scène, donc c’était une certaine façon d’écrire. Ça m’aide beaucoup de savoir que c’est elles qui vont le dire. C’est un support. » Ses affinités artistiques au théâtre sont d’ailleurs des relations au long cours : elle travaille aujourd’hui avec Marcial di Fonzo Bo en tant que dramaturge sur la mise en scène d’une pièce de Martin Crimp, Dans la République du bonheur.

    On peut lire, sur le site de Leslie Kaplan, des textes courts sur « la civilisation du cliché », « langage et folie », et plus généralement sur l’écriture et la littérature.

     

    BILLETS

     
    Rencontrer Leslie Kaplan par la lecture de son premier livre (L’Excès-L’Usine) et de sa dernière pièce (Déplace le ciel), c’est avoir le sentiment de rencontrer deux auteurs : une écriture de l’ellipse devenue presque explicative. En l’écoutant tisser les liens entre ses ouvrages, on comprend la construction d’un regard aigu sur le monde, évolutif en fonction des formes qu’il emprunte, mais travaillé par les mêmes obsessions : l’enfermement, le nommable (et donc l’innommable et l’ultra-nommable), l’amour souvent déceptif. Les questions que l’on pouvait avoir à la sortie de Déplace le ciel – pourquoi ces deux personnages se renvoient-ils continuellement des questions rhétoriques, beaucoup de « comment ça ? » — trouvent des réponses d’écrivain en butte et en prise avec les possibilités et les limites de son langage (et de ses langues). On découvre aussi une femme poussée par l’envie d’écrire sur, pour et avec d’autres – des ouvriers ou des actrices. Son écriture sensitive rend compte d’une forme de perméabilité extrême à son monde et à ceux qui le composent, et l’on comprend que l’apparente simplicité de son théâtre recouvre un questionnement plus dense : comment rendre compte de ce dans quoi nous sommes enfermés, de ce sur quoi nous buttons continuellement, en laissant pourtant la porte de l’imaginaire ouverte ? Le « let’s go » final de Déplace le ciel pourrait résumer notre échange avec Leslie Kaplan : on peut partir, mais part-on vraiment, et où, comment le décide-t-on, et avec quels mots ? On empruntera avec elle les mots de Shakespeare : « Je dis que j’aime Shakespeare parce qu’il a réussi à considérer la condition humaine en deux mots : être ou ne pas être, c’est être et ne pas être. Est-ce qu’on est vraiment un écrivain ? Heureusement on passe sa vie à résoudre cette question, on l’est en même temps qu’on ne l’est pas. »

    Anne-Sophie B.

     
    J’étais très curieuse d’entendre la parole de Leslie Kaplan sur son texte L’Excès-L’Usine parce que j’avais aimé le lire mais surtout parce que je me demande quelle relation on entretient, une fois qu’on a derrière soi un parcours sinueux et long d’écrivain, à son premier texte, à celui qui a conditionné notre façon d’apparaître aux lecteurs. La parole que Leslie Kaplan nous a livrée à ce sujet m’a éclairée sur la façon dont un premier roman a le pouvoir – si on le lui prête – de marquer de son empreinte un rapport à l’écriture.
    À la lecture, j’avais eu beaucoup de mal à faire le lien entre ce premier texte et Déplace le ciel. Leslie Kaplan nous a parlé du danger de l’enfermement dans une langue circulante et bêtifiante symbolisée dans Déplace le ciel par le panglish pratiqué par les héroïnes ; elle nous a aussi parlé de la possible fuite hors de cette langue obligée par la fenêtre du jeu, par le développement d’un rapport ludique à la langue. Cette définition de la liberté d’écrire m’a permis de relier les lectures que j’avais faites de son premier et de son dernier texte, de comprendre comment cette poursuite de liberté courait de l’une à l’autre sous deux formes différentes et caractérisait l’identité d’un écrivain.

    Amélie D.
     
    • Agrandir le texte
    • Restaurer la taille normale
    • Réduire la taille du texte
    • retour en haut de la page